Comment les fonds publics et le CPF servent une stratégie ultra-efficace pour alimenter Uber en chauffeurs VTC, sans que personne ne crie au scandale.
Le CPF, porte d’entrée vers Uber
Aujourd’hui en France, n’importe quel citoyen disposant d’un Compte Personnel de Formation (CPF) peut l’utiliser pour devenir chauffeur VTC. Jusque-là, rien d’anormal. Sauf que derrière ce processus en apparence banal, se cache une mécanique parfaitement huilée, au cœur de laquelle Uber tire toutes les ficelles.
En quelques clics, une personne en recherche d’emploi peut mobiliser ses droits à la formation (souvent plusieurs milliers d’euros) pour suivre une formation VTC. Ces formations sont souvent proposées par des organismes étroitement liés aux plateformes ou indirectement incitées par elles. Et devinez qui est souvent en coulisses pour orienter ces profils ? France Travail, ex-Pôle Emploi, qui semble fermer les yeux sur l’issue systématique de ces parcours : une inscription en tant qu’auto-entrepreneur ou en SASU, avec une seule finalité — travailler pour Uber.
France Travail : complice ou spectateur ?
Les conseillers de France Travail jouent un rôle ambigu. Officiellement, ils accompagnent les demandeurs d’emploi dans leur projet de création d’entreprise. Mais dans la réalité, ils valident massivement des projets de formation VTC, sans jamais alerter sur les risques du métier. Pourtant, les chiffres sont là : la durée de vie moyenne d’une activité VTC est de 18 à 24 mois. Mais cela n’empêche pas l’organisme public de valider ces projets à la chaîne.
Pourquoi ? Parce que chaque création d’activité sort un chômeur des statistiques. Et pendant les premiers mois, le chiffre d’affaires généré par les courses Uber permet de justifier le maintien partiel ou total des allocations chômage, puisque l’argent est facturé via une SASU. Ainsi, Uber récupère un chauffeur motivé, formé grâce à de l’argent public, subventionné par les cotisations des autres salariés.
L’illusion de la rentabilité, nourrie par l’ARE
Pendant la première année, tout semble rouler : le chauffeur encaisse, déclare peu de charges, et touche l’Allocation d’aide au Retour à l’Emploi (ARE). Une illusion parfaite. En réalité, les charges d’entretien du véhicule, les commissions d’Uber, le carburant, les assurances et les charges sociales non anticipées viennent grignoter le peu de marge disponible.
Mais tant que les aides tombent, tout le monde joue le jeu. Uber a un chauffeur opérationnel. L’État voit ses chiffres du chômage s’améliorer. Et le chauffeur, lui, croit qu’il s’en sort… jusqu’à ce que l’ARE s’arrête.
Une fin inévitable : la faillite et l’exclusion
Arrive le moment où le chômage s’arrête. Et là, c’est souvent la douche froide. Les charges s’accumulent, les revenus stagnent, voire diminuent à cause de la saturation du marché. Le chauffeur, qui ne peut plus tenir, finit par fermer sa SASU ou se radier du statut auto-entrepreneur.
Et que reste-t-il ? Aucun droit au chômage (car il est considéré comme dirigeant), plus d’accès à la CFE, plus d’indemnités. Il n’a plus rien. Il a épuisé ses droits à la formation, son CPF, son chômage, et souvent ses économies. Un cycle parfaitement cynique, au terme duquel Uber ne perd rien. L’entreprise n’a aucune obligation sociale ou salariale envers ses chauffeurs. Elle les remplace facilement par de nouveaux profils… formés, eux aussi, avec de l’argent public.
Qui gagne vraiment dans ce système ?
Uber, sans l’ombre d’un doute. Grâce à ce mécanisme, la plateforme renouvelle son vivier de chauffeurs sans bourse délier. L’État aussi s’en sort bien : il réduit artificiellement le chômage, encaisse de la TVA sur les prestations de service et peut se vanter de soutenir l’entrepreneuriat. Et pendant ce temps, ce sont les cotisations sociales des travailleurs français qui financent tout le système.
Les chauffeurs, eux, sont utilisés, pressés, puis abandonnés. Ils n’ont ni protection sociale, ni perspectives d’évolution. Un modèle basé sur la précarité maquillée en opportunité.
Conclusion : une machine bien huilée… aux dépens des travailleurs
Ce système bien rodé est à la fois légal, cynique et terriblement efficace. Il détourne des outils censés servir la montée en compétence des travailleurs — CPF, ARE, accompagnement à la création d’entreprise — pour alimenter les intérêts d’une multinationale qui ne paie ni charges ni salaires.
À chaque étape du parcours, les institutions publiques valident, financent et encouragent une voie sans issue, en se lavant les mains des conséquences. Et pendant que les chauffeurs s’épuisent dans une activité non viable, Uber et l’État continuent de récolter les fruits d’un modèle profondément déséquilibré.








