En Savoie, la guerre entre taxis, VTC et chauffeurs Uber prend une tournure alarmante. Dans cette région où le tourisme hivernal est vital pour l’économie locale, les tensions explosent entre les différents acteurs du transport. Entre accusations de maraude électronique, violences contre les véhicules et contrôles policiers renforcés, la situation s’envenime. Cet article fait le point sur ce conflit qui divise la région.
Maraude électronique : une pratique au cœur des tensions
L’un des principaux points de discorde concerne la pratique de la « maraude électronique ». Contrairement aux taxis, qui ont le droit d’attendre des clients sur la voie publique ou sur des stations dédiées, les VTC doivent fonctionner uniquement sur réservation préalable. Cependant, certains chauffeurs affiliés à Uber utilisent leur application pour se positionner à proximité des lieux stratégiques (gares, stations de ski) et capter immédiatement les courses disponibles. Cette pratique est perçue par les taxis comme une concurrence déloyale et illégale.
À Moûtiers, ville stratégique pour l’accès aux grandes stations comme Courchevel ou Méribel, cette situation a exacerbé les tensions. Les taxis locaux dénoncent un non-respect des règles par certains chauffeurs Uber, accusés de « piquer » leur clientèle en contournant les lois sur le transport public. Ce phénomène alimente un climat de méfiance et de rivalité.

Violences et véhicules incendiés : une escalade inquiétante
Le conflit ne se limite pas à une rivalité commerciale. Ces derniers mois, des actes de violence ont été signalés. À Moûtiers, plusieurs véhicules appartenant à des chauffeurs VTC ont été incendiés dans un contexte de tensions croissantes. Ces incidents traduisent une escalade inquiétante dans ce qu’on pourrait qualifier de « guerre de territoire ».
Les chauffeurs Uber sont particulièrement visés, notamment ceux venant d’autres régions pour travailler temporairement dans les stations savoyardes. Ces derniers sont accusés par certains taxis locaux de casser les prix et de ne pas respecter les normes locales en matière d’équipement et de sécurité.
Les deux visages des chauffeurs VTC en Savoie
Tous les chauffeurs VTC opérant en Savoie ne sont pas perçus de la même manière. Il est crucial de distinguer deux profils bien distincts :
- Les VTC indépendants saisonniers
Ces professionnels choisissent souvent de s’installer en Savoie pour toute la saison hivernale. Ils louent un logement localement, participent à l’économie en consommant sur place et respectent généralement les règles (équipements adaptés comme pneus neige ou chaînes). Leur présence est globalement bien acceptée car ils répondent à une demande croissante pendant la haute saison touristique. - Les chauffeurs opportunistes affiliés à Uber
À l’opposé, certains chauffeurs venant d’autres grandes villes comme Paris ou Lyon arrivent sans préparation ni respect des normes locales. Beaucoup sous-louent illégalement des comptes Uber et travaillent sans assurance adéquate pour le transport à titre onéreux. Ce profil est particulièrement problématique car il ternit l’image globale des VTC tout en alimentant la colère des taxis locaux.
Contrôles renforcés : une pression accrue sur les VTC
Face à cette situation tendue, la gendarmerie a intensifié ses contrôles sur les chauffeurs VTC opérant dans la région. Ces vérifications ciblent principalement :
- La conformité des véhicules (pneus neige obligatoires en hiver).
- La légalité des documents (assurance transport public, autorisation préfectorale).
- L’utilisation de l’application Uber dans des conditions jugées illégales.
Si un chauffeur est pris avec l’application allumée sans respecter certaines règles locales, son véhicule peut être immédiatement mis en fourrière pour « exercice illégal de l’activité de taxi ». Cette politique vise à protéger les taxis locaux mais est perçue par certains comme un excès de zèle visant à décourager tous les VTC sans distinction.
Un conflit qui divise Moûtiers et ses environs
La ville de Moûtiers est devenue l’épicentre de ce conflit. Les manifestations organisées par les taxis locaux pour dénoncer la concurrence d’Uber ont parfois été interdites par les autorités locales, comme ce fut le cas récemment par décision municipale. Cette interdiction a suscité l’indignation des syndicats de taxis qui y voient un manque de soutien face aux défis qu’ils rencontrent.
De leur côté, certains chauffeurs VTC dénoncent une stigmatisation injuste et réclament un traitement équitable. Ils soulignent que tous ne pratiquent pas la maraude électronique ou ne travaillent pas dans l’illégalité.
Un équilibre difficile à trouver
Le conflit entre taxis locaux, VTC indépendants et chauffeurs Uber reflète un problème plus large lié à l’arrivée massive des plateformes numériques dans des marchés traditionnels fortement réglementés. En Savoie, où l’économie dépend largement du tourisme hivernal, il est crucial que toutes les parties prenantes trouvent un terrain d’entente pour apaiser les tensions.
Cependant, tant que certaines pratiques illégales persisteront – qu’il s’agisse de maraude électronique ou d’utilisation frauduleuse de comptes Uber – le fossé entre ces acteurs risque de se creuser davantage. Dans ce contexte explosif, seule une régulation stricte et une application équitable des lois pourront permettre de préserver à la fois l’économie locale et la sécurité des usagers.